Phèdre ++

Socrate – Il me semble avoir démontré, cher Phèdre, qu'un discours écrit n'est pas une forme vivante.
Phèdre – Je le conçois.
Socrate – Et n'étant pas vivant, c'est qu'il est inerte, comme mort.
Phèdre – Je le conçois aussi.
Socrate – Lire un texte, c'est donc comme parler à un mort et se mettre soi-même dans une posture étrange, se retirer pour un temps donné, faire abstraction du vivant, en soi et autour de soi, pour vivre cette curieuse expérience où seul le cerveau s'active, sans le corps.
Phèdre – Il faut bien en convenir.
Socrate – Le texte à la main, plutôt que de le lire, si je me mettais à courir en l'agitant, je serais assurément plus vivant.
Phèdre – C'est juste.
Socrate – Si je le lançais sur Aristophane, qui me renverrait en retour un de ses écrits, jusqu'à organiser un affrontement entre nous, nous serions certainement plus vivants tous les deux, et plus à partager une expérience, qu'à lire, seuls, chacun de notre côté.
Phèdre – Par Zeus, oui.
Socrate – Puisque nous sommes d'accord, cher Phèdre, prends donc ce traité de Gorgias sur la tête et venons-en tous deux à nous sentir plus vivants.